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Symbolisme , courant artistique européen des deux dernières décennies du XIXe siècle.

En communion avec le mouvement littéraire du même nom qui est particulièrement bien représenté en France (Verlaine, Rimbaud, Mallarmé, etc.) et en Belgique (Verhaeren, Maeterlinck), le symbolisme peut profiter de l’existence de nombreuses revues qui répandent sa nouvelle esthétique : le Symbolisme, la Revue wagnérienne, la Plume, la Revue Blanche, la Pléiade devenue ensuite le Mercure de France. C’est dans ses colonnes que Albert Aurier, en 1891, expose « la doctrine de la nouvelle peinture symboliste» qu’il présente comme «synthétique et décorative ». Le symbolisme, à la charnière du XIXe et du XXe siècle, est un véritable jalon dans l’évolution de nombre d’artistes vers la modernité, l’abstraction ou le surréalisme.

Le symbolisme dans l’art : tropismes et rejets
Le nom de symbolisme n’a que peu de rapport avec l’étymologie grecque ou latine symbolon, symbolus, « signe de reconnaissance fait de deux moitiés complémentaires d’un même objet » et, par extension, « tout objet, personne ou concept en représentant un autre, en vertu d’une analogie ou d’une convention arbitraire ». 
Le symbolisme se définit essentiellement par l’idéalisme d’artistes en réaction à un monde trop matérialiste, celui issu des mutations de la révolution industrielle, voué au progrès technique, à la recherche du profit, aux luttes sociales.

Volontiers passéistes, apolitiques, les symbolistes rejettent le positivisme d’Auguste Comte comme le socialisme de Karl Marx. En art, ils refusent l’académisme, s’opposent au naturalisme bourgeois qui privilégie le réalisme social anecdotique, dédaignent l’impressionnisme qui nie le sujet et les allégories. Ils subissent l’influence du pessimisme de Schopenhauer et se réfèrent volontiers aux idées d’Henri Bergson (les Données immédiates de la conscience, 1889). Attachés à la liberté de leur création, individualistes, souvent angoissés par le destin de l’homme dans un monde qui leur semble abandonné de Dieu, les symbolistes privilégient le subjectif, valorisent l’imaginaire, le rêve, les hallucinations.
Ils sont attirés par le mystérieux, l’étrange, le fantastique, les zones d’ombre, les correspondances entre le visible et l’invisible ; certains se tourneront vers une spiritualité inspirée du renouveau chrétien, d’autres vers l’ésotérisme rosicrucien du Sâr Péladan.

Refusant la peinture narrative, la recherche de la vraisemblance, la perspective illusionniste, les proportions et autres canons traditionnels, s’inspirant des légendes bibliques et médiévales, d’une antiquité nostalgique, d’un Orient imaginaire et cruel, ils multiplient les recherches formelles : espace délibérément plat, graphismes précieux, harmonies chromatiques sophistiquées. Certains se complaisent dans une peinture décadente, d’autres multiplient des ornements décoratifs maniéristes.

Historique du symbolisme à travers l’Europe
Il convient de rechercher les précurseurs des symbolistes dans les mouvements romantiques anglais (Füssli, Blake), allemand (Friedrich, Runge), le groupe des nazaréens et celui des préraphaélites (John Everett Millais, William Holman Hunt, F. Madow Brown, W. Crane, E. Burnes Jones, D. G. Rossetti) ardemment défendus par J. Ruskin. Entre 1880 et les premières années du XXe siècle, le symbolisme intéresse toute l’Europe, jusqu’à la Russie, et atteint les États-Unis.

En France, les artistes symbolistes les plus représentatifs sont Pierre Puvis de Chavannes — dont le Pauvre Pêcheur (1881, musée d’Orsay, Paris) apparaît comme un véritable manifeste du mouvement —, Gustave Moreau, artiste fasciné par les mondes anciens, véritable créateur de mythologies mystérieuses et raffinées, grand dessinateur, coloriste subtil, et Odilon Redon, une personnalité complexe dont l’œuvre est particulièrement diversifiée.

Le symbolisme belge peut bénéficier de salons importants (Salon des XX de 1884 à 1893, La Libre Esthétique d’Octave Maus, de 1894 à 1914); de nombreux artistes du mouvement prennent l’habitude de se retrouver dans un petit village près de Gand, à Laethem-Saint-Martin. Les œuvres de Fernand Khnopff, proche de la sécession viennoise, nourries d’allégories littéraires dans le style distingué et froid d’un dessin réaliste, présentent une conception ambivalente de la femme particulièrement perceptible dans son tableau le plus connu, Des caresses, ou l’Art, ou le Sphinx (1896, musées royaux des Beaux-Arts de Belgique, Bruxelles). Angoisses et fantasmes érotiques sous-tendent les productions de Félicien Rops, alors que James Ensor multiplie les figurations de masques macabres et grinçants, annonciateurs de l’expressionnisme.

Jean Toorop, qui mêle dans ses œuvres introspection, évocation des sagas nordiques et magies exotiques javanaises, est le symboliste hollandais le plus réputé. Le message désespéré d’Edvard Munch (le Cri 1893, Nasjonalgalleriet, Oslo) ne peut être considéré comme représentatif d’un mouvement scandinave souvent moins pathétique, imprégné des anciennes mythologies nordiques.

Le symbolisme germanique se partage entre deux générations, la première, appréciée de Louis II de Bavière, qui célèbre, comme Wagner, les légendes des Nibelungen et du Walhalla (M. von Schwind, E. von Steinle, A. Feuerbach) et la seconde qui, à Vienne, dans le contexte des débuts de l’École freudienne, crée Ver Sacrum, la sécession, le Jugendstil, et, en Allemagne, s’engage dans l’expressionnisme de Die Brücke ou l’abstraction du Blaue Reiter. La Bohême et la Hongrie de la Double-Monarchie s’illustrent à travers les talents à Prague, de Preisler, de Kupka (qui passera à l’abstraction), de Mucha (qui devient l’un des célèbres affichistes et décorateurs de l’art nouveau), et à Budapest de Rippl-Ronai. Le peintre suisse Arnold Böcklin, qui travaille en Allemagne et en Italie, joue un rôle important dans le courant symboliste ; son tableau l’Île des Morts (1880, Kunstmuseum, Bâle) fait figure d’œuvre emblématique. Ce n’est que relativement tardivement que l’Italie, influencée par D’Annunzio, développe un courant symboliste.

L’école de Pont-Aven et Gauguin dans sa période tahitienne, les nabis et Maurice Denis, leur porte-parole, nombre de peintres officiels et pompiers, de décorateurs initiateurs de L’art nouveau, les expressionnistes, les peintres de l’orphisme, Kandinsky, Jawlensky, Klee, Mondrian, Picasso, tous ont avoué leur dette plus ou moins grande vis-à-vis du mouvement symboliste dont les recherches formelles ont été particulièrement diverses et fécondes.

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